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autre. Il sait cela. Par conséquent il verra comment j’emploie mon argent, et il reconnaîtra que je fais tout cela uniquement pour lui. »

Ces paroles me touchèrent profondément. Mes réflexions ne furent pas longues. Le vieillard me regardait avec inquiétude. « Eh bien, écoutez, Zakhar Pétrovitch, dis-je, vous les lui donnerez tous. » — « Comment, tous ? C’est-à-dire tous les livres ? » — « Oui, tous les livres. » — « Et comme venant de moi ? » — « Comme venant de vous. » — « De moi seul ? c’est-à-dire en mon nom ? » — « Eh bien, oui, en votre nom, » Je m’étais, je crois, expliquée très-clairement ; néanmoins le vieillard fut fort longtemps sans pouvoir me comprendre. « Eh bien, oui, observa-t-il après avoir réfléchi ; oui ! Ce sera très-bien, ce serait fort bien ; seulement vous, Varvara Alexéievna, comment donc allez-vous faire ? » — « Eh bien, mais je ne donnerai rien. » — « Comment ! s’écria le vieillard pris d’une sorte de frayeur ; ainsi vous ne donnerez rien à Pétinka, ainsi vous ne voulez pas lui faire de cadeau ? » Il était épouvanté ; en ce moment il semblait tout disposé à retirer sa proposition, pour que je pusse, moi aussi, donner quelque