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Tais-toi ! » Il voulait se jeter à ses pieds, la supplier de lui rendre la douceur de ses premières souffrances, alors qu’il ignorait tout d’elle, de lui rendre ses premiers élans, si vagues et si purs, ses premières larmes déjà depuis longtemps séchées. Et maintenant ses larmes ne pouvaient plus couler, le sang inondait son cœur ; il ne comprenait plus ce que lui disait Catherine, il avait peur d’elle. À cette heure, il maudissait son amour ; il suffoquait, ce n’était plus du sang, mais du plomb fondu qui coulait dans ses veines.

— Ah ! Ce n’est pas cela mon plus grand chagrin, dit Catherine en relevant subitement la tête, ce n’est pas cela mon chagrin, ce n’est pas cela ! Répéta-t-elle d’une voix changée, tout le visage contracté et les yeux secs, ce n’est pas cela ! Ce n’est pas cela ! On n’a qu’une mère et je n’en ai plus, et pourtant que m’importe ma mère ! Que m’importe la malédiction de son atroce dernière heure ! Que m’importe ma vie de jadis ! Et ma chambrette chaude ! Et ma liberté de jeune fille ! Séduction, trafic de mon âme et le péché éternel pour un instant de bonheur, que m’importe ! Ce n’est pas cela ! Ce n’est pas cela, quoique cela soit