Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/98

Cette page n’a pas encore été corrigée

yeux brillaient d’un éclat surnaturel. Ce n’est pas une vaine parole que je vais te dire. Tant que tu voudras me donner du bonheur, tu seras à moi. Mais s’il t’arrive de ne plus m’aimer, ne parle pas, ne dépense pas de mots inutiles. Pas de contrainte ! Mais fronce seulement tes sourcils de zibeline, détourne seulement ton œil noir, remue seulement ton petit doigt, et je te rendrai ton amour avec ta chère petite liberté dorée. Mais alors, ô ma beauté orgueilleuse, je mourrai !

Et je sentis toute ma chair sourire à ces paroles.

Une émotion profonde interrompit Catherine. Mais elle reprenait déjà haleine tout en souriant à une nouvelle pensée et se disposait à continuer, quand son regard rencontra le regard enflammé d’Ordinov rivé sur elle. Elle tressaillit, voulut parler, mais le sang lui afflua au visage. Comme prise de folie, elle se jeta sur l’oreiller… Ordinov était plein d’un trouble infini. Il lui semblait que du poison brûlait son sang. Et c’était une souffrance aiguë qui augmentait avec chaque mot du récit de Catherine. Il se sentait saisi d’un emportement sans but, d’une passion vaine et invincible. Par moments il voulait crier à la jeune fille : «