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Je pris son bras et le conduisis. Nous passâmes le corridor, – j’avais les clefs, – j’ouvris la porte d’un cabinet noir, et lui montrai la fenêtre : elle donnait sur le jardin. Il me saisit entre ses bras puissants et sauta avec moi de la fenêtre. Nous courûmes longtemps en nous tenant par la main, et nous atteignîmes une forêt épaisse et sombre. Là il s’arrêta pour écouter.

— On nous poursuit, Katia, on nous poursuit, belle fille ! Mais l’heure de la mort n’est pas encore venue. Embrasse-moi, belle fille, pour le bonheur et l’amour éternel !

— Et pourquoi vos mains sont-elles ensanglantées ?

— J’ai coupé la gorge de vos chiens, ma chère. Ils aboyaient contre l’hôte tardif… Allons !

Nous nous remettons à courir. Au détour d’un sentier nous apercevons le cheval de mon père. Il avait rompu sa bride et s’était sauvé de l’écurie : il n’avait pas voulu se laisser brûler !…

— Monte avec moi, Katia, Dieu nous envoie un aide… Tu ne veux pas ? Tu as peur de moi ? Je ne suis pas un hérétique, un impur ; je vais me signer si tu veux !