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quelle amertume ! Elle me dit cela. Toute son âme pleurait ! Je la regardai, j’eus un instant l’envie de me jeter à ses pieds, mais le mauvais esprit me ressaisit aussitôt.

— Eh bien ! Dis-je, si ce n’est pas pour toi, c’est sans doute pour mon père. À son retour je lui donnerai cette boîte et je lui dirai : Des marchands sont venus et ont oublié chez nous leur marchandise.

Alors ma mère pleura de plus belle, ma pauvre mère !

— Je lui dirai moi-même quels marchands sont venus et quelle marchandise ils venaient prendre… Je lui apprendrai quel est ton père, fille sans cœur ! Tu n’es plus ma fille, tu es un serpent… tu es maudite !

Je garde le silence, les larmes ne me viennent pas… Ah ! C’était comme si tout fût mort en moi à ce moment… Je rentrai dans ma chambre, et toute la nuit j’entendis l’orage, et en moi aussi, il y avait un orage.

Cependant cinq jours se passent. Vers le soir du cinquième jour arrive mon père, morne, menaçant. Il dit qu’il est tombé malade en route. Mais