Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/89

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Nous gagnons sans parler la porte cochère. J’ouvre la petite porte, et je repousse les chiens. Alors je le vois ôter son chapeau et me saluer. Puis il tire de sa poche une petite boîte en cuir rouge, il l’ouvre, et j’y vois briller une quantité de diamants : « J’ai, me dit-il, dans le faubourg une liouba, et je voulais les lui offrir. Mais c’est toi qui les auras, belle fille. Ornes en ta beauté, prends-les, fût-ce pour les fouler aux pieds. » Je les pris, je ne les foulai pas aux pieds (dans ma pensée, je ne voulais pas lui faire tant d’honneur…). Je les pris par méchanceté, sachant bien ce que j’en voulais faire, et, rentrée dans la chambre, je les mis sur la table devant ma mère. Elle resta un moment silencieuse, comme si elle eut redouté de me parler. Puis elle pâlit encore et me dit :

— Qu’est-ce donc, Katia ?

— C’est pour toi, ma mère ; le marchand t’a apporté cela, je ne sais rien de plus.

Des larmes lui jaillirent des yeux, la respiration lui manqua.

— Ce n’est pas pour moi, Katia, ce n’est pas pour moi, méchante fille, ce n’est pas pour moi !…

Je me rappelle avec quelle amertume, oh ! Avec