Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/87

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Je ne répondis pas… Ma mère parut effrayée et se jeta vers lui : il la regarda à peine. – Je remarquais tout cela. – Il était mouillé, il grelottait ; l’orage l’avait poursuivi pendant vingt verstes. D’où venait-il ? Où habitait-il ? Ma mère ne le savait pas plus que moi. Il y avait déjà neuf semaines que nous ne l’avions vu… Il jeta son bonnet, ôta ses gants. Mais il ne pria pas devant l’image, ne salua personne et s’assit auprès du feu…

Catherine passa la main devant ses yeux comme pour écarter une apparition pénible, mais un instant après elle releva la tête et poursuivit :

— Il se mit à parler avec ma mère en langue tartare. Je ne connais pas cette langue. – D’ordinaire, quand il venait, on me renvoyait. Mais, cette nuit-là, ma pauvre mère n’osa dire un mot à son propre enfant, et moi, moi, dont déjà l’esprit immonde envahissait l’âme, j’avais une sorte de mauvaise joie à voir l’horrible embarras de ma mère… Je vois qu’on me regarde, qu’on parle de moi. Elle se met à pleurer. Tout à coup je le vois prendre son couteau… (Et ce n’était pas la première fois : depuis quelque temps il menaçait