Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/85

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croyait, – qui tyrannisait cette pauvre âme de naïve jeune fille et la profanait avec une inépuisable méchanceté ?

— … C’était une nuit comme celle-ci, mais plus orageuse. Le vent hurlait dans notre forêt !… Je ne l’avais jamais entendu si fort, ou bien me semblait-il qu’il en fût ainsi, parce que cette nuit devait être celle de mon malheur ?… Sous notre fenêtre un chêne fut rompu. C’était un arbre splendide : un vieux mendiant disait que, déjà dans son enfance, il l’avait vu tel, aussi grand, aussi beau. Dans cette même nuit… oh ! Oui, je me rappelle tout comme si c’était hier !… Dans cette même nuit les barques de mon père furent détruites sur la rivière, et lui, quoique malade, il alla, aussitôt que les pêcheurs vinrent le prévenir, à la fabrique, voir lui-même le désastre. Nous restâmes seules, ma mère et moi. Je sommeillais. Elle était triste, et pleurait à chaudes larmes… ah ! Je sais bien pourquoi ! Elle venait d’être malade, elle était toute pâle encore et me disait de lui préparer son linceul… Tout à coup, à minuit, on entend frapper à la porte ; je sursaute sur mon lit, ma mère jette un cri, je la regarde en