méchants veulent me tuer, et que les saints et les anges refusent de me défendre… et je me remets à prier, à prier, jusqu’à ce que l’image de la Madone me regarde avec miséricorde. Alors je vais me coucher, comme morte. Mais quelquefois je m’endors par terre, à genoux devant l’image, et quelquefois aussi c’est lui qui me réveille : il m’appelle, il me caresse, il me rassure, et je me sens mieux, je me sens forte auprès de lui et je ne crains plus le malheur. Car il a la puissance ! Il y a une vertu dans sa parole !
— Mais quel malheur peux-tu craindre ? Quel malheur ?
Catherine pâlit encore. Ordinov crut voir un condamné à mort qui n’attend plus de grâce.
— Moi ? Je suis une fille maudite ! J’ai tué une âme ! Ma mère m’a maudite ! J’ai fait le malheur de ma propre mère !…
Ordinov l’étreignit en silence. Elle se serra contre lui avec un tremblement convulsif.
— Je l’ai enfouie dans la terre humide[1], reprit-elle en frissonnant aux visions de l’irrémissible passé. — Il y a longtemps que je veux parler.
- ↑ Expression russe : j'ai causé sa mort.