Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/82

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— Allons, disait-il, on t’a fait peur, mais je suis auprès de toi maintenant, repose-toi de tout sur moi, ma sœur, mon amour, ma lumière.

— Tu ne sais rien, rien ! – répondit-elle en crispant ses mains autour de celles d’Ordinov, – je suis toujours ainsi !… J’ai toujours peur… Et alors je vais chez lui. Parfois, pour me rassurer, il fait des incantations, parfois il prend son livre, le plus grand, et lit sur moi. Ce sont toujours des choses graves, terribles ! Je ne sais trop quoi, je ne comprends pas toujours, mais ma peur redouble. Il me semble que ce n’est pas lui qui parle, mais quelqu’un de méchant, qu’on implorerait en vain, que rien ne pourrait apaiser, et je me sens un poids, un poids sur le cœur !… Et je souffre plus alors, bien plus qu’auparavant !

— Ne va donc pas chez lui ! Pourquoi y vas-tu ?

— Et pourquoi suis-je venue chez toi ? Je ne le sais pas davantage… Il me dit : Prie ! Prie ! Et je me lève, dans le noir de la nuit, et je prie longtemps, longtemps, des heures entières. Souvent je meurs de sommeil, mais la peur me tient éveillée, et alors il me semble qu’un orage s’amoncelle contre moi, qu’un malheur me menace, que les