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Catherine était blême, immobile, les lèvres bleues comme celles d’une morte, le regard fixe et voilé. Elle se leva lentement, fit deux pas, et avec un cri déchirant tomba devant l’image. Des paroles sans suite s’échappèrent de sa bouche, enfin elle s’évanouit. Ordinov, épouvanté, la releva et la porta sur son lit, et il resta près d’elle, interdit, ne sachant que faire. Un instant après, elle ouvrit les yeux, se souleva sur le lit, regarda autour d’elle, puis, saisissant la main d’Ordinov, elle l’attira à elle en s’efforçant de parler. Mais la voix lui manqua. Enfin elle éclata en sanglots. Ses larmes brûlaient la main d’Ordinov.

— J’ai mal, oh ! Que j’ai mal ! Bégaya-t-elle avec une peine infinie. Oh ! Je vais mourir…

Elle voulait parler encore, mais sa langue se roidit et ne put articuler un seul mot. Elle regarda avec désespoir Ordinov, qui ne la comprenait pas. Il s’approcha davantage et tâcha d’écouter… Enfin, il entendit qu’elle disait d’une voix basse, mais nette :

— Ensorcelée ! On m’a ensorcelée ! Perdue !

Ordinov leva la tête et considéra la jeune fille avec un étonnement farouche. Une pensée terrible