Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/79

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que tu es ma sœur ?… Dis-moi toute ton histoire, comment tu as vécu jusqu’à cette heure, le nom de l’endroit où tu habitais, qui tu as d’abord aimé, quelles étaient tes joies et tes tristesses… Vivais-tu dans un pays chaud, sous un ciel pur ?… Qui aimais-tu ? Qui t’aimait avant moi ? Vers qui pour la première fois ton âme a-t-elle crié ?… Avais-tu une mère ? Te caressait-elle quand tu étais petite fille ? Ou, comme les miens, tes premiers regards se sont-ils perdus dans un désert ? As-tu toujours vécu comme aujourd’hui ? Quelles étaient tes espérances ? Quel avenir rêvais-tu ? Lesquels de tes désirs ont été réalisés et lesquels trompés ?… Dis-moi tout !… Pour qui ton cœur de jeune fille se troubla-t-il pour la première fois ? à qui l’as-tu donné ?… Et que faut-il donner pour l’obtenir ? Que faut-il donner pour t’avoir ?… Dis-moi, ma lioubouschka, ma lumière, ma petite sœur, dis-moi comment je pourrai arriver à toucher ton cœur !…

Ici sa voix se brisa de nouveau, et il pencha son front. Mais quand il leva les yeux, une terreur muette le glaça subitement, et ses cheveux se hérissèrent sur sa tête.