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malheurs inconnus, s’empara d’Ordinov, et il considéra Catherine avec une ineffable angoisse.

— Écoute ce que je veux te dire, dit-elle en prenant dans ses mains celles du jeune homme et en s’efforçant de réprimer ses sanglots, écoute bien, écoute, ma joie ! Retiens ton cœur, aime-moi, mais autrement. Tu t’épargneras ainsi bien des malheurs, tu te sauveras d’un ennemi terrible, et tu auras une sœur au lieu d’une liouba. Je viendrai chez toi si tu veux, et je te caresserai, et je ne regretterai jamais de t’avoir connu. Sais-tu ? Depuis deux jours que tu es malade je ne t’ai pas quitté ! Prends-moi donc pour ta petite sœur. Ce n’est pas en vain que je t’ai appelé frère ! Ce n’est pas en vain que j’ai prié pour toi la Vierge en pleurant ! Tu ne trouveras jamais une sœur pareille. Ah ! Une liouba ! Puisque c’est une liouba que ton cœur demande… tu pourrais chercher dans le monde entier, tu ne trouverais pas une telle liouba. Et je t’aimerais toujours comme maintenant ; je t’aimerais parce que ton âme est pure, claire, transparente, parce que, dès le premier jour, j’ai compris que tu serais l’hôte de ma maison, l’hôte désiré ! (Et ce n’était pas inutilement