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sentait irrité et agité, et, sachant son imagination et son impressionnabilité tendues jusqu’aux dernières limites, il résolut de se méfier de lui-même. Peu à peu, il tomba dans une sorte de torpeur. Il était oppressé. Son cœur angoissé et meurtri était comme noyé de larmes intérieures.

Il se jeta sur son lit, qu’on avait fait, et se mit à écouter. Il entendit deux respirations, l’une lourde, maladive, saccadée, l’autre légère, mais inégale, comme si elle aussi était oppressée, comme si un autre cœur battait là du même élan, de la même passion que son cœur à lui. Il surprenait parfois le froissement d’une robe ou le bruit léger de pas légers, et ce bruit résonnait en lui doucement et douloureusement. Enfin, il entendit ou crut entendre des sanglots, un soupir et une prière. Et alors il se la représenta, agenouillée devant l’image, les mains désespérément jointes et tendues… – Qu’a-t-elle donc ? Pour qui prie-t-elle ? À quelle invincible passion est assujetti son cœur ? Pourquoi donc ce cœur est-il devenu une inépuisable fontaine de larmes ?…

Tout ce qu’elle lui avait dit résonnait encore dans ses oreilles comme une musique, et à chacune