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— Voyez-vous, on dit que cet homme a été très-riche. Il était commerçant, comme vous l’avez sans doute entendu dire. Mais il a été ruiné. Pendant un orage plusieurs de ses barques chargées de marchandises ont coulé. Sa fabrique, confiée, je crois, à un de ses plus proches parents, a été incendiée, et ce parent a péri dans l’incendie. Convenez que voilà de terribles malheurs ! Alors, dit-on, Mourine est tombé dans un grand désespoir. On craignit pour sa raison, et, en effet, dans une querelle avec un autre marchand qui avait aussi des barques sur le Volga, il se montra tout à coup si bizarre que tout ce qu’il fit par la suite fut attribué à la folie. Avis que je partagerais volontiers. J’ai entendu parler avec détail de quelques-unes de ses singularités. Enfin il lui arriva un dernier malheur, une vraie fatalité qu’on ne peut expliquer que par l’influence maligne de la destinée.

— Quoi donc ?

— On dit que, dans une crise de folie, il a attenté à la vie d’un jeune marchand que jusqu’alors il affectionnait beaucoup. Il en fut si désolé quand il revint à lui qu’il était au moment de se donner