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Yaroslav Iliitch d’un ton suppliant. Dernièrement, – permettez-moi de vous raconter cela, mon cher Vassili Mikhaïlovitch, – vint chez lui un pauvre serrurier. Il dit : « Voilà… Je me suis percé la main avec mon outil, guérissez-moi. » Semen Pafnoutyitch, voyant le malheureux menacé de la gangrène, se décida à lui couper le bras. Il a opéré devant moi, mais d’une telle façon, si noble… je veux dire si merveilleuse, que, je vous l’avoue, n’était la pitié pour la souffrance humaine, j’aimerais ce spectacle, tant c’est simple, curieux… Mais où et quand êtes-vous tombé malade ?

— En déménageant. Je viens de me lever.

— Mais vous êtes encore très-mal, vous ne devriez pas sortir. Et alors vous n’êtes plus dans votre ancien logement. Pourquoi donc ?

— Ma logeuse a quitté Saint-Pétersbourg.

— Douma Savischna ! Vraiment ? La bonne et noble vieille ! Savez-vous que j’avais pour elle une estime presque filiale ? Il y avait quelque chose de noble, d’antique dans cette vie finissante. On voyait en elle une sorte d’incarnation de notre bon vieux temps… c’est-à-dire de ce… quelque chose de… de poétique !… s’écria enfin Yaroslav Iliitch,