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touloupe[1], voûté, les cheveux gris. Il toussotait, trébuchait, regardait la terre et parlait tout seul. On aurait pu le croire tombé en enfance.

— Le maître ! Le maître ! Murmura vivement le dvornik en saluant Ordinov, et arrachant sa casquette, il courut vers le petit vieux dont le visage ne semblait pas inconnu à Ordinov. Du moins, il pensait l’avoir déjà rencontré. Mais ne trouvant dans cette circonstance rien d’étonnant, il sortit. Le dvornik lui faisait l’effet d’être un coquin de première force. — Le farceur rusait avec moi, pensait-il, Dieu sait ce qui se cache ici…

Il était déjà loin dans la rue. Peu à peu le cours de ses pensées changea. Le jour était gris et froid, la neige voltigeait. Ordinov se sentait transi. Il lui semblait que la terre vacillait sous ses pieds. Tout à coup une voix connue, une voix doucereuse et agréable lui souhaita le bonjour.

— Yaroslav Iliitch ! dit Ordinov.

Devant lui se tenait un homme d’une trentaine d’années, fort, les joues colorées, petit de taille, avec de petits yeux gris languissants, le sourire aux lèvres, et vêtu… comme doit être vêtu un Yaros-

  1. Manteau fourré des paysans.