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un rêve. Il parvenait à s’en convaincre, mais le sang lui montait à la tête, et les veines de ses tempes se gonflaient. Il lâcha le clou, se leva de son lit, et en chancelant, sans comprendre lui-même son action, marcha comme un somnambule jusqu’à la porte des logeurs et se laissa violemment tomber contre cette porte. Le verrou rouillé céda avec fracas, et Ordinov se trouva au milieu de la chambre à coucher des logeurs. Il vit Catherine tressaillir et se lever en sursaut ; il vit la fureur étinceler dans les yeux du vieillard, sous ses sourcils énormes violemment contractés, et tout à coup sa figure devenir affreuse. Il vit encore le vieillard saisir, sans le quitter des yeux, le fusil pendu au mur. Il vit enfin la lueur du canon braqué droit sur lui, d’une main mal assurée et que la fureur faisait trembler… Un coup de feu retentit, puis un cri surhumain, sauvage, lui succéda, et quand la fumée fut dissipée, Ordinov aperçut un terrible spectacle. Frémissant d’horreur, il se pencha sur le vieillard. Mourine gisait par terre, tordu dans des convulsions, absolument défiguré et les lèvres blanches d’écume. Ordinov comprit que le malheureux était en proie à une épouvantable