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jolie fille, et de la mère Volga[1]. N’était-ce pas une illusion ? Entendait-il vraiment ? Une heure entière il resta ainsi aux écoutes, les yeux ouverts, immobile, dans une torpeur douloureuse. Enfin il s’assit avec précaution, et se réjouit de se sentir assez fort, d’une force que sa terrible maladie n’avait pas épuisée. Le délire avait cessé, la réalité recommençait. Il s’aperçut qu’il était encore vêtu comme lors de sa conversation avec Catherine et en conclut qu’il ne devait pas s’être écoulé beaucoup de temps depuis le matin où elle l’avait quitté. Une sorte de fièvre de volonté enflammait son sang. En tâtant le long du mur il trouva un grand clou fiché en haut de la cloison contre laquelle était rangé son lit, et s’y suspendant de tout le poids de son corps il se dressa et parvint avec peine jusqu’à une certaine fente qui filtrait dans la chambre une très-faible lumière. Il appliqua un de ses yeux à cette fente et se mit à regarder en retenant sa respiration.

Dans un coin de la chambrette des logeurs il y avait un lit, et, devant le lit, une table couverte d’un tapis encombré de livres de grand et antique

  1. Expression russe. On dit aussi le père Don.