Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/42

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comme une rosée, on voudrait pleurer de joie, et bien que l’organisme soit vaincu par tant de sensations extrêmes, bien qu’on sente le tissu de la vie se déchirer, on s’applaudit d’une régénération et d’une résurrection. Parfois encore il s’assoupissait, et revivait alors, tous ensemble, les événements des derniers jours : mais ce n’étaient que des apparitions étranges et problématiques. Et parfois enfin le malade perdait le souvenir et s’étonnait de ne plus être dans son vieux coin, chez son ancienne logeuse ; il s’étonnait que la vieille ne vînt plus, comme elle en avait l’habitude aux heures tardives du crépuscule, vers le poêle, qui s’éteignait et jetait encore des lueurs intermittentes dont s’illuminaient les angles de la pièce, chauffer ses mains osseuses et tremblantes, sans cesser de radoter à mi-voix, et en jetant parfois des regards de surprise à son locataire qu’elle considérait comme un maniaque à cause de son acharnement au travail. – Et d’autres fois enfin, il se rappelait qu’il avait déménagé. Mais comment cela s’était-il fait ? Qu’était-il devenu ? Pourquoi ce déménagement ? Il ne savait, tout son être s’était abstrait de sa propre personnalité dans