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iras mieux, nous vivrons comme frère et sœur, veux-tu ? Une sœur, c’est difficile à trouver quand Dieu ne vous en a pas donné.

— Qui es-tu ? D’où es-tu ? Murmura Ordinov.

— Je ne suis pas d’ici… De quoi t’occupes-tu ?… Tu sais ce conte : il y avait une fois douze frères dans une grande forêt. Une jolie fille s’y égara ; elle entra dans leur maison, y mit tout en ordre, y imprégna toutes choses de sa tendresse. À leur retour, les frères devinèrent qu’une sœur leur était venue, et ils l’appelèrent, et elle se montra. Tous l’appelèrent sœur et lui laissèrent sa chère liberté. Elle fut leur sœur et leur égale… Connaissais-tu ce conte ?

— Je le connais, dit Ordinov.

— Il fait bon vivre. Est-ce que tu aimes la vie ?

— Oui ! Oui ! S’écria Ordinov, longtemps, longtemps, tout un siècle de vie !

— Eh bien ! Je ne sais pas, dit pensivement Catherine, moi, je voudrais mourir. C’est pourtant bon d’aimer la vie et les braves gens, oui… Regarde, te voilà redevenu blanc comme la farine !