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une tendre sollicitude, se penchait un visage de femme, un adorable visage tout humide de larmes douces et comme maternelles. Il sentit qu’on déposait un oreiller sous sa tête, qu’on le couvrait de quelque chose de chaud et qu’une main fraîche touchait son front brûlant. Il aurait voulu dire : Merci ! Il aurait voulu prendre cette main, la porter à ses lèvres arides, l’arroser de ses larmes et l’embrasser, l’embrasser toute une éternité ! Il aurait voulu dire bien des choses, mais il ne savait quoi. Surtout il aurait voulu mourir en cet instant. Ses mains étaient de plomb, il ne pouvait les mouvoir, il était inerte et entendait seulement son sang battre dans ses artères avec une extraordinaire violence. Il sentit encore qu’on lui mouillait les tempes… Enfin il s’évanouit.

Le soleil cinglait d’une gerbe de rayons d’or les carreaux de la chambre quand Ordinov s’éveilla, vers huit heures du matin. Une sensation délicieuse de calme, de repos, de bien-être, caressait ses membres. Puis il lui sembla que quelqu’un était naguère auprès de lui, et il acheva de s’éveiller en cherchant anxieusement cet être invisible. Il aurait tant voulu étreindre son amie et lui dire