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porte, la ferma au verrou et monta sur le poêle où elle achevait son siècle[1]. La nuit venait. Ordinov alla chercher de la lumière, mais la porte des logeurs était fermée à clef. Il appela la vieille qui, dressée sur son coude, le regardait fixement et paraissait inquiète de le voir près de cette serrure. Elle lui jeta sans rien dire un paquet d’allumettes, et il entra dans sa chambre. Pour la centième fois il essaya de mettre en ordre ses effets et ses livres. Mais bientôt, sans s’expliquer ce qui lui arrivait, il fut obligé de s’asseoir sur un banc et tomba dans un bizarre engourdissement. Par instants, il revenait à lui et se rendait compte que son sommeil n’était pas un sommeil, mais une torpeur maladive. Il entendit une porte s’ouvrir et comprit que les logeurs rentraient de la prière du soir. Il lui vint à l’esprit qu’il avait quelque chose à leur demander, il se leva et eut la sensation qu’il marchait, mais il fit un faux pas et tomba sur un tas de bois que la vieille avait jeté dans la chambre. Il resta là, inanimé, et quand il ouvrit les yeux, longtemps après, il s’étonna d’être couché sur le banc, tout habillé : sur lui, avec

  1. Expression russe.