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minutes après, elle sortit lentement de derrière le paravent, fit quelques pas dans la chambre et laissa tomber sur moi un regard lourd. (J’avais un méchant sourire, mais forcé, un sourire de convenance, et j’évitais son regard.)

― Adieu, ― dit-elle, et elle se dirigea vers la porte.

Je courus à elle, je lui pris la main, l’ouvris, et lui mis… puis la fermai, et aussitôt lui tournant le dos, je me reculai avec une singulière vivacité dans un coin, ― pour ne pas la voir au moins !…

J’allais mentir, prétendre que j’ai fait cela sans réflexion, par folie, par sottise. Mais je ne veux pas mentir, et je dis franchement que, si je lui ouvris la main pour y mettre…, ce fut par méchanceté. Cette idée m’étais venue tandis que je courais de long en large par la chambre et que Lisa restait derrière le paravent. Je puis toutefois dire sincèrement que, si je fis cette atrocité exprès, ce fut plutôt par « malice cérébrale » que par « dépravation sentimentale ». Une atrocité, soit, mais artificielle, combinée, livresque ; et quand ce fut fait, je ne pus supporter la pensée de l’action que j’avais commise. Je me reculai dans un coin,