et qu’à ma haine pour ainsi dire sans corps s’était substituée une haine personnelle, réelle et fondée sur la jalousie… D’ailleurs, je n’affirme pas qu’elle ait compris tout cela nettement. Ce qui est certain, c’est qu’elle me tenait désormais pour un homme parfaitement vil et surtout incapable d’aimer.
Je sais bien ! on me dira qu’il est impossible d’être méchant et bête à ce point. On ajoutera peut-être qu’il est impossible de ne pas aimer une telle femme, impossible au moins de ne pas apprécier son amour. ― Baste ! Qu’y a-t-il d’impossible ? D’abord je ne pouvais plus aimer (dans le sens qu’on attribue à ce mot) : aimer, pour moi, ne signifiait plus que tyranniser et dominer moralement. Je n’ai même jamais pu concevoir un autre amour, et je suis allé si loin en ce sens qu’aujourd’hui je crois fermement que l’amour consiste en ce droit de tyrannie concédé par l’être aimé. Même dans mes rêves souterrains, je ne me représentais l’amour que comme un duel commencé par la haine et fini par un asservissement moral : mais après ? Je n’aurais su que faire de l’objet asservi ! Et, encore une fois, qu’y a-t-il d’impossible ? Ne