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bien gênant de relever la tête et de regarder dans les yeux de Lisa. De quoi avais-je honte ? Je ne sais, mais j’avais honte. Il me vint aussi à l’idée que les rôles avaient définitivement changé ; qu’elle était devenue l’héroïne, et que j’étais moi-même devenu l’être humilié et offensé qu’elle était devant moi quatre jours auparavant… Et je pensais cela tout en restant couché sur le divan.

Mon Dieu ! est-il vraiment possible que j’aie, en ce moment, été jaloux de Lisa ? ― Je ne sais, maintenant encore je ne puis me rendre compte de cela. Il m’a toujours été impossible de vivre sans tyranniser quelqu’un, et… Mais les raisonnements n’expliquent rien, et pourquoi raisonner ?

Pourtant je repris le dessus. Je levai la tête. (Il aurait bien toujours fallu lever la tête un jour ou l’autre !…)

Or, je suis maintenant certain que c’est précisément parce que j’avais honte de la regarder que s’alluma soudainement un sentiment imprévu : le sentiment de la domination ― et de la possession. Mes yeux s’enflammèrent passionnément, je serrai avec force les mains de Lisa dans les miennes…

Comme je la haïssais en ce moment ! Mais