Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/291

Cette page n’a pas encore été corrigée

versées devant toi comme une baba [1], je ne te les pardonnerai jamais ! Et tout ce que je t’avoue en cet instant même, je ne te le pardonnerai jamais, à toi ! Oui, toi, toi seule, tu payeras pour tout cela ! Pourquoi t’es-tu trouvée sur mon chemin ? Ou pourquoi suis-je un vaurien, le plus dégoûtant, le plus ridicule, le plus mesquin, le plus sot, le plus jaloux de tous les vers de terre, qui ne sont pas meilleurs que moi, mais qui du moins ― le diable sait pourquoi ! ― n’ont jamais honte d’être ce qu’ils sont ? Mais moi, toute ma vie, chaque vilenie que j’ai commise a eu pour conséquence une terrible chiquenaude sur mon âme ! C’est par là que je diffère des autres hommes. Tu ne comprends rien à tout cela, n’est-ce pas ? Et que m’importe ! Que m’importe que tu te perdes ou que tu te sauves ! Qu’es-tu pour moi ? Mais comprends-tu, mon Dieu ! comprends-tu que je te hais, parce que tu es ici et que tu as entendu ce que je viens de te dire ? Un homme ne se confesse qu’une fois dans la vie, et pour le faire il faut qu’il ait une crise d’hystérie !… Et que veux-tu encore ? Pourquoi es-tu encore ici, devant moi, à me torturer au lieu de t’en aller ?…

  1. Femmelette.