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mains croisées à la Napoléon. J’avais les tempes mouillées de sueur, j’étais très-pâle et je le sentais. Mais enfin, Dieu merci, il eut pitié de moi. Laissant là son fil, il se leva lentement, recula lentement sa chaise, ôta lentement ses lunettes, compta lentement son argent, et, m’ayant demandé par-dessus son épaule combien il fallait prendre de thé, sortit lentement. ― En retournant auprès de Lisa, je pensais que je ferais mieux de m’enfuir comme j’étais, dans ma robe de chambre, n’importe où…

Et je m’assis de nouveau.

Elle me regardait avec inquiétude. Il y eut un silence de quelques instants.

― Je le tuerai ! m’écriai-je tout à coup en frappant du poing sur la table si violemment que l’encre jaillit de l’encrier.

― Qu’avez-vous ? dit-elle, toute tremblante.

― Je le tuerai ! je le tuerai !…

J’avais repris mon jappement de roquet, et je continuais à frapper la table, quoique je sentisse fort bien la stupidité de mon emportement.

― Tu ne peux savoir, Lisa, comme il me tor-