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semblait faire son service par pure complaisance. Du reste, il ne faisait presque rien pour moi, et ne se croyait obligé à aucun travail. Très-certainement, il me considérait comme le dernier des sots, et « s’il me souffrait auprès de lui », c’est seulement qu’il trouvait agréable de toucher chaque mois ses gages : il consentait à ne rien faire pour sept roubles par mois. ― Il me sera beaucoup pardonné à cause de lui ! ― Notre haine mutuelle devenait telle parfois que je me sentais au moment de prendre une attaque de nerfs, rien que pour avoir entendu le bruit de son pas. Ce qui me dégoûtait plus que tout, c’est un certain sifflement qu’il avait en parlant : il devait avoir la langue trop longue ou quelque autre vice de conformation qui le faisait sucer ses lèvres et siffler, et il me semble qu’il en était très-fier, s’imaginant peut-être que cela le faisait ressortir. Il parlait bas, lentement, les mains derrière le dos, les yeux baissés. Il m’enrageait surtout quand il se mettait à lire ses psaumes. (Nous n’étions séparés que par une cloison.) Nous avons eu bien des combats à cause des psaumes. Mais c’était sa passion ! Tous les soirs, il se mettait à lire les psaumes,