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Mais il s’arrêta, stupéfait, en regardant son futur logeur. Sous ses yeux se jouaient un drame muet. Le vieillard était mortellement pâle, prêt à tomber inanimé. Il faisait peser sur la jeune femme un regard de plomb, immobile et perçant. Elle aussi pâlit d’abord, mais brusquement tout son sang lui monta au visage, et ses yeux brillèrent d’un étrange éclat.

Elle conduisit Ordinov dans la pièce voisine.

Tout le logement se composait d’une seule et vaste chambre divisée par deux cloisons en trois parties. Du vestibule on passait dans une très petite pièce. En face, dans la cloison, s’ouvrait une porte qui menait évidemment à la chambre à louer. Elle était étroite, avec deux fenêtres basses très-rapprochées l’une de l’autre. Tout était embarrassé par les menus objets essentiels à un ménage. Tout était pauvre, mesquin, mais extrêmement propre. Une table en bois blanc, deux chaises vulgaires, deux bancs le long du mur formaient tout le mobilier. Dans un coin l’on avait mis une grande image pieuse ornée d’une couronne dorée et soutenue par une planche. Devant l’image brûlait une lampe. La chambre à louer partageait avec la pièce voisine un grand et incommode