Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cour noire, dégoûtante et croupie dans la boue. Au rez-de-chaussée vivait un pauvre fabricant de cercueils. Dépassant l’atelier de ce « garçon d’esprit », Ordinov s’engagea dans un escalier tournant, ruineux et glissant, et parvint à l’étage supérieur. En tâtonnant dans l’ombre, il trouva une porte épaisse en bois non équarri et couverte de nattes d’osier en loques. Il chercha le loquet et le tourna. Il ne s’était pas trompé : devant lui se tenait le vieillard qui le regardait fixement, au comble de la surprise.

— Que veux-tu ? demanda-t-il d’une voix rude et basse.

— Y a-t-il un logement ? murmura Ordinov sans savoir exactement ce qu’il disait : derrière les épaules du vieux il venait d’apercevoir la jeune femme.

Le vieillard, sans répondre, se mit à fermer la porte en poussant Ordinov dehors. Mais tout à coup Ordinov entendit la voix caressante de la jeune femme murmurer :

— Il y a une chambre.

— Je n’ai besoin que de très-peu de place, dit Ordinov en se hâtant de rentrer et en s’adressant à la belle.