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prières, on n’entendra autour de ton cadavre que d’ignobles jurons. Personne pour te bénir, personne pour te plaindre. On te mettra dans une bière pareille à celle de la phthisique, puis on ira au cabaret parler de toi. Et tu reposeras dans la boue, dans la fange, dans la neige fondue. Mais faire des cérémonies pour toi ? ― Descends-la, Vamoukha [1]. Même ici elle a les pieds en l’air ! C’était sa destinée… C’est une telle. Ne dépense pas trop de corde, ça ira comme ça. ― Oui, ça ira comme ça… ― Non, pourtant, ça penche d’un côté. C’était tout de même un être humain… Ah bien, tant pis ! Vas-y !… Et l’on ne se chamaillera pas longtemps en ton honneur. Le plus vite possible on te jettera quelques pelletées d’argile humide et bleuâtre, ― et au cabaret !… Voilà ton avenir. Les autres femmes sont accompagnées au cimetière par leurs enfants, leur père, leur mari. Mais toi ! pas une larme, pas un soupir, pas un regret. Personne au monde, personne jamais ne viendra prier sur ta tombe. Ton nom disparaîtra de la face de la terre comme si tu n’avais jamais existé, comme si tu n’étais jamais née. De la boue à la

  1. Diminutif d’Ivan.