Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/246

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amour que je te tourmente ; devine-le donc ! » Sais-tu qu’on peut tourmenter un homme par amour ? Les femmes sont ainsi ! Et elles pensent en elles-mêmes : « Mais en revanche combien l’aimerai-je après ! Je le caresserai tant que je peux bien le piquer un peu maintenant… » Et dans la maison tout se ressent de votre bonheur, tout est gai, bon, paisible, honnête… D’autres femmes sont jalouses. J’en connaissais une ainsi. Si son mari sortait, elle ne pouvait se tenir tranquille, au milieu de la nuit il fallait qu’elle sortit, qu’elle allât voir : n’est-il pas là ? ou dans cette maison-ci ? ou avec cette femme-là ?… Cela, c’est mal, elle le sait mieux que personne, et elle en souffre plus que personne, et cette souffrance est sa première punition : mais elle aime ! Toujours l’amour !… Et comme il est doux de se réconcilier après la dispute ! Elle reconnaît elle-même, devant lui, ses torts, et ils se pardonnent l’un l’autre, avec une joie égale. Et ils sont si heureux tous deux ! C’est comme un renouveau de la première rencontre, comme un second mariage, une renaissance de l’amour. Et personne, personne ne doit savoir ce qui se passe entre mari et femme,