Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/24

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

regard moqueur et menaçant, et une sorte d’étrange rancune lui serra le cœur, Mais bientôt il perdit de vue les deux inconnus, et, rassemblant toute son énergie dans un effort surnaturel, il s’élança en avant et sortit de l’église.

L’air frais put à peine le rafraîchir. Sa respiration était difficile, il suffoquait. Son cœur battait lentement et fortement à lui rompre la poitrine. Il chercha en vain à retrouver ses inconnus : ni dans la rue ni dans la ruelle, personne. Mais en sa tête naissait une pensée et se formait un de ces plans décisifs et bizarres qui, bien qu’insensés, réussissent toujours en de telles circonstances.

Le lendemain matin, à huit heures, il vint par la ruelle à la maison qu’habitaient le vieillard et la jeune femme, et entra dans une cour étroite, sale, infecte comme une fosse d’ordures. Le dvornik, petit de taille, d’origine tartare, un homme d’environ vingt-cinq ans avec un visage vieilli et ridé, travaillait dans cette cour. Il s’arrêta, appuya son menton sur le manche de sa pelle en apercevant Ordinov, le regarda des pieds à la tête et lui demanda ce qu’il désirait.