Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/23

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élan ? Ou bien était-ce simplement que l’heure eût sonné et que les choses dussent s’accomplir ainsi, soudainement, comme dans un jour de chaleur étouffante le ciel s’obscurcit tout à coup, puis se décharge sur la terre altérée en pluie chaude qui suspend des perles aux branches vermeilles, et froisse l’herbe des champs, et courbe au ras du sol les corolles délicates des fleurs : mais au premier rayon du soleil tout renaît, tout se relève, tout s’élance au-devant de la lumière et solennellement lui envoie jusqu’au ciel, pour fêter cette renaissance, d’abondants et doux effluves de joie et de santé… Ordinov ne pouvait se rendre compte de son état, il avait à peine conscience de lui-même… Il ne s’aperçut presque pas de la fin de l’office. Alors pourtant il se releva et suivit la jeune femme à travers la foule des paroissiens qui se portaient vers l’entrée. Il rencontra plus d’une fois son regard tranquille tout ensemble et étonné. Plus d’une fois arrêtée par les reflux de la foule, elle se retourna vers lui ; son étonnement s’accroissait visiblement, et tout à coup ses joues s’empourprèrent. Alors se montra le vieillard qui la prit par la main. Ordinov subit de nouveau le