Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/19

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Mais l’apparition s’évanouit. Après le transport vint la réflexion, puis le dépit, puis une sorte de colère impuissante ; sans se déshabiller, il s’enveloppa dans sa couverture et se jeta sur son rude lit…

La matinée était avancée quand il s’éveilla, à la fois accablé et confus. Il fit rapidement sa toilette en s’efforçant de penser à ces soins quotidiens, et sortit, en prenant la direction opposée à celle qu’il avait prise la veille. Pour en finir, il choisit un logement chez un pauvre Allemand nommé Schpis, qui demeurait avec sa fille Tinchen. Schpis, aussitôt les arrhes reçues, ôta l’écriteau cloué à la porte et félicita Ordinov pour son amour de la science. Il lui promit de s’occuper lui-même de son service. Ordinov déclara qu’il emménagerait dans la soirée, puis il reprit le chemin de son ancienne chambre. Mais en route il réfléchit et tourna du côté opposé. L’audace lui revenait, et il sourit en lui-même de sa curiosité. La route, dans son impatience, lui parut très-longue. Il parvint enfin à l’église de la veille. On officiait. Il choisit une place d’où il pût voir tous les fidèles : mais ceux qu’il cherchait n’y étaient pas. Après une