Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/180

Cette page n’a pas encore été corrigée

D’autres fois, j’ai voulu me rendre amoureux de force. J’ai bien souffert, je vous jure…

Je n’ai connu de pires souffrances que celles ― pourtant mêlées de douceurs ― que j’endurai quand Katia me laissa voir qu’elle pourrait m’aimer et presque aussitôt m’abandonna. Pourtant, si j’avais su vouloir, je l’aurais retenue ! J’aurais écarté le vieillard, l’horrible mechtchanine !… Mais à quoi bon réveiller des souvenirs qui me tuent ! D’ailleurs, c’est une histoire que vous ignorez…

Ô messieurs, ne serait-ce pas précisément parce que je n’ai jamais rien pu finir ni commencer que je me considère comme un homme intelligent ? Soit, je suis un bavard inoffensif, ― comme tout le monde ! ― Mais quoi ? ce bavardage, n’est-ce pas la destinée unique de tout homme intelligent, ― ce bavardage, c’est-à-dire l’action de verser le rien dans le vide ?