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tandis que l’autre est un homme, et par conséquent, etc.… Surtout n’oublions pas que c’est lui-même, lui-même qui se considère comme un rat, personne ne l’en prie, ― et c’est là un point important.

Voyons maintenant le rat aux prises avec l’action. Supposons par exemple qu’il soit offensé (il l’est presque toujours) : il veut se venger. Il est peut-être plus capable de ressentiment que l’ homme de la nature et de la vérité [1]. Ce vif désir de tirer vengeance de l’offenseur et de lui causer le tort même qu’il a causé à l’offensé, est plus vif peut-être chez notre rat que chez l’ homme de la nature et de la vérité. Car l’ homme de la nature et de la vérité, par sa sottise naturelle, considère la vengeance comme une chose juste, et le rat, à cause de sa conscience intense, nie cette justice. On arrive enfin à l’acte de la vengeance. Le misérable rat, depuis son premier désir, a déjà eu le temps, par ses doutes et ses réflexions, d’accroître, d’exaspérer son désir. Il embarrasse la question primitive de tant d’autres questions insolubles, que, malgré lui, il s’enfonce dans une bourbe fatale, une bourbe puante composée de doutes,

  1. En français dans le texte.