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mier mouvement s’arrêtent. Pour eux le mur n’est pas un obstacle qu’on peut tourner, comme pour nous autres, gens qui pensons et par conséquent n’agissons pas. Non, ils s’arrêtent et se retirent franchement, le mur les calme, c’est une solution décisive et définitive, quelque chose même de mystique… Mais nous reviendrons au mur.)

Donc l’homme de premier mouvement est, à mon sens, l’homme vrai, normal, tel que le souhaitait sa tendre mère, la Nature. Je suis jaloux de cet homme au dernier point. Il est bête, j’en conviens, mais qui sait ? l’homme normal, peut-être, doit être bête. Peut-être même est-ce une beauté, cette bêtise. Pour ma part j’en suis d’autant plus convaincu que si, par exemple, je prends, par antithèse, pour homme normal celui qui a la conscience intense, qui est sorti, cela va sans dire, non de la matrice naturelle, mais d’une cornue (ça, c’est presque du mysticisme, messieurs, mais je le sais), eh bien, cet homunculus se sent parfois si inférieur à son contraire qu’il se considère lui-même, en dépit de toute son intensité de conscience, comme un rat plutôt qu’un homme, ― un rat doué d’une intense conscience, mais tout de même un rat, ―