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naire de telle classe. J’ai pris cet emploi pour vivre (pas uniquement pour vivre), et quand, l’année dernière, un de mes parents éloignés est mort juste à point pour me laisser six mille roubles en héritage, je me suis hâté de donner ma démission. ― Et maintenant, je reste dans mon coin, j’y ai élu domicile : j’y vivais déjà quand j’étais fonctionnaire, mais maintenant j’y ai élu domicile. Ma chambre est triste, dégoûtante, dans la banlieue. J’ai pour domestique un sot, un scélérat qui fait de ma vie une torture constante. On prétend que le climat de Pétersbourg ne me vaut rien, et qu’avec mes rentes insignifiantes la vie ici est trop chère pour moi. Je sais tout cela, je le sais mieux que tous les donneurs de conseils, si expérimentés et sages qu’ils puissent être, et je reste ; et je ne quitterai jamais Pétersbourg, parce que… Mais que j’y reste ou non, que vous importe ?

Pourtant… De quoi les gens « comme il faut » parlent-ils le plus volontiers ?

Réponse : D’eux-mêmes.

Eh bien, je parlerai de moi-même.