pas. Tout désillusionné qu’il fût, il ne pouvait avoir perdu son caractère véritable, ce manteau que les vivants ne quittent que dans la tombe. Avec délices il fouilla comme autrefois dans l’âme de son ami. Il lui fit d’abord remarquer qu’il avait beaucoup à faire, puis « qu’il y avait longtemps qu’on ne s’était vu ». Mais soudain la conversation prit une étrange tournure. Yaroslav Iliitch parla de l’hypocrisie des gens en général, de l’instabilité du bonheur en ce monde et de cette futilité qu’est la vie. En passant il ne manqua pas de nommer Pouchkine, mais avec une indifférence très-marquée. Il parla de ses « bons amis » avec cynisme et s’emporta même contre la fausseté, contre le mensonge de ceux qui, dans le monde, s’appellent amis, alors que l’amitié sincère n’existe pas et n’a jamais existé. – Oui, vraiment, Yaroslav Iliitch est devenu intelligent. Ordinov ne le contredisait pas, mais il se sentait très-triste. Il lui semblait qu’il enterrait son meilleur ami.
— Ah ! Imaginez-vous… j’allais oublier de vous dire… – s’écria Yaroslav Iliitch comme s’il se rappelait quelque chose de très-intéressant, – nous avons une nouvelle. Mais c’est un secret que