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se transformait pas en acte. Ordinov se sentait stérilisé, et ses visions lui semblaient comme exprès, comme pour railler son impuissance, prendre dans son imagination des proportions gigantesques. Aux heures de tristesse, il se comparait lui-même à l’élève étourdi du sorcier : l’élève, au moyen d’un mot qu’il a volé au maître, ordonne au balai d’apporter de l’eau dans la chambre, et il s’y noie, ne sachant comment il faut dire : Cesse. – Peut-être Ordinov avait-il conçu une idée originale, peut-être avait-il un bel avenir, du moins il l’avait cru, et une foi sincère est elle-même le premier gage de l’avenir. Mais maintenant, il riait de ses convictions et se désintéressait de tous ses grands projets.

Six mois auparavant il vivait dans sa création, tantôt y travaillant, tantôt, aux heures de fatigue, fondant sur elle – qu’il était jeune ! – d’immatérielles espérances. Son œuvre était une histoire de l’Église, et avec quel ardent fanatisme il en avait esquissé l’ébauche ! Maintenant il relisait ses plans, les remaniait ; il fit quelques recherches, puis il abandonna son idée, sans rien fonder sur ses propres ruines. Une sorte de mysticisme, de mystérieux