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avait toujours été ainsi repoussée, et que pendant son enfance tout le monde le fuyait à cause de son entêtement et de son allure absorbée, que sa sympathie n’avait jamais su se révéler que par des dehors ambigus et pénibles, sans égalité morale. Ç’avait été la grande souffrance de son enfance de constater qu’il ne ressemblait pas à ses petits camarades. Et il était obsédé par le sentiment de cette incurable solitude.

Distraitement il s’échoua dans un endroit très-excentrique. Après avoir dîné dans un restaurant médiocre, il reprit sa promenade errante. De nouveau les rues et les places se succédèrent. Puis il longea de hauts murs gris et jaunes : là s’arrêtaient les maisons riches. C’était maintenant un contraste de vieilles petites baraques et de grands bâtiments, fabriques énormes aux murs rongés et noircis, aux cheminées monumentales. Personne dans les chemins, tout était morne et hostile.

Le soir tombait. Par une longue ruelle, Ordinov parvint à une place où se dressait une église. Il y entra presque sans remarquer ce qu’il faisait. L’office finissait à peine, et l’église était presque vide. Deux femmes seulement restaient encore