Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/129

Cette page n’a pas encore été corrigée

Il regarda le vieillard.

Et il crut voir que le vieillard ouvrait un œil, lentement, et qu’il y avait un rire moqueur au fond de cet œil. Leurs regards se rencontrèrent. Ordinov se tenait immobile. Tout à coup, il lui sembla que le rire avait gagné tout le visage ; il lui sembla que ce rire glacial et meurtrier éclatait dans la chambre… Il tressaillit, le poignard glissa de ses mains à terre et retentit en tombant. Catherine jeta un cri, comme si elle s’éveillait d’un cauchemar. Mourine se leva, sans hâte, et repoussa du pied le poignard dans un coin de la chambre. Catherine, sans un mouvement, se tint droite, les yeux fermés, le visage convulsé ; puis elle étreignit sa tête dans ses mains et tomba presque inerte, en criant d’une voix déchirante :

— Alioscha ! Alioscha !…

Mourine la saisit dans ses bras puissants et la serra contre sa poitrine avec une incroyable violence. Mais, quand elle eut caché sa tête sur le cœur de cet homme, chacun des traits du visage du vieillard se mit à rire d’un rire si effronté, si cynique, que tout l’être d’Ordinov en frémit. L’esprit de trahison et de supercherie, la tyrannie