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les yeux de la jeune fille, tant ce regard était blessant et glacial.

— Il te tuera ! – dit-il, ne pouvant plus contenir sa rage.

Mais en ce même instant une pensée sinistre s’empara de lui, et ce fut comme si le diable lui-même lui murmurait à l’oreille que cette pensée était précisément celle de Catherine…

— Je vais donc t’acheter, ma beauté, chez ton marchand, puisqu’il faut que l’acheteur donne son âme pour conclure le marché. Et le sang qui sera versé, ce n’est pas le marchand qui le versera !…

Un rire immobile, un rire qui mettait à Ordinov la mort dans l’âme, ne quittait pas le visage de Catherine. Hors de lui, presque inconscient, il s’appuya d’une main au mur et décrocha un antique poignard. De l’étonnement, mais aussi – et pour la première fois – du défi apparurent dans les yeux de Catherine, et il sembla à Ordinov que quelqu’un lui saisissait la main et la poussait à consommer l’acte de folie. Il dégaina le poignard. Catherine l’observait, sans bouger, sans respirer.