Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/124

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L’intelligence n’est pas le lot d’une fille : elle entend la vérité, mais elle ne la comprend pas. Elle a dans la tête un serpent rusé, quoique son cœur soit baigné de larmes. Elle saura trouver son chemin toute seule. Elle rampera entre les malheurs, et l’astucieuse réussira, tantôt par l’adresse, tantôt par la toute-puissance de sa beauté. Car avec un regard elle sait enivrer un esprit. La beauté brise la force, elle partage en deux un cœur de fer. Si tu auras du chagrin, des malheurs ?… Il n’y a pas de malheurs pour les cœurs faibles. Le malheur veut un cœur puissant ! Il aime à se baigner silencieusement de larmes sanglantes. Les gens ne l’entendent jamais se plaindre ! Toi, fille, ton malheur est une trace sur le sable : ça se lave à la pluie, ça se sèche au soleil, ça s’emporte au vent d’orage. – Si tu seras aimée ?… Tu ne seras pas l’esclave de celui qui t’aimera. C’est toi qui lui prendras sa liberté pour ne jamais la lui rendre. Mais quand tu voudras l’aimer à ton tour, tu ne le pourras. C’est un grain que tu auras semé, et un ravisseur viendra, et il prendra tout l’épi. – Ô ma tendre enfant, ma petite tête d’or, tu as laissé tomber une de tes