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en concentrant toute son attention, c’est à peine s’il put suivre ce qui se passa autour de lui.

Le vieillard reposa sa tasse en la heurtant violemment contre la table.

— Verse, Catherine ! S’écria-t-il, verse encore, méchante fille, verse-moi jusqu’à la mort ! Verse le long sommeil au vieillard et délivre-toi de lui. Mais buvons ensemble. Pourquoi ne bois-tu pas ? Crois-tu que je ne l’aie pas remarqué ?

Ordinov n’entendit pas la réponse de Catherine. D’ailleurs, Mourine ne la laissa pas finir. Comme s’il ne pouvait se contenir davantage, il lui saisit la main. Son visage était blême, ses yeux s’éteignaient et se rallumaient presque instantanément. Ses lèvres blanches tremblèrent, et d’une voix inégale il commença :

— Donne-moi ta petite main, ma beauté, donne : je vais te dire l’avenir. Je suis en effet un sorcier, tu ne t’es pas trompée, Catherine, ton cœur d’or ne t’a pas menti, car je suis en effet son sorcier, je lui dirai la vérité, à lui, le simple et le naïf. Tu n’as oublié qu’une chose : je puis dire la vérité, mais je ne puis donner l’intelligence et la sagesse.