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votre aise ! Est-elle belle, ta sœur, barine ? Réponds-moi. Regarde donc comme ses joues sont roses ! Regarde-la donc, rends hommage à sa beauté, montre que ton cœur saigne pour elle !

Ordinov jeta au vieillard un regard irrité. Mourine tressaillit sous ce regard. Une rage sourde bouillonnait dans la poitrine du jeune homme. Une sorte d’instinct animal l’avertissait qu’il était en présence de son ennemi mortel. Mais il ne s’expliquait pas le comment et le pourquoi de cette rencontre. Son esprit était comme paralysé.

— Ne regarde pas… dit une voix derrière lui.

Il se retourna.

— Ne regarde pas, ne regarde pas, te dis-je, puisque le mauvais esprit te tente. Aie pitié de ta liouba !

Et soudain, tout en souriant, elle couvrit de sa main, par derrière, les yeux du jeune homme. Puis aussitôt, elle ôta ses mains, et en couvrit son propre visage. Mais elle sentit que le rouge de ses joues se voyait entre ses doigts, et elle voulut affronter sans crainte les rires et les regards des deux hommes. Tous deux la considéraient en silence, Ordinov avec une sorte d’étonnement