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effet, elle n’avait été si belle ! Le rire d’une joie réelle étincelait pour la première fois sur son visage. Sa main frémissait dans celle d’Ordinov, et, s’il avait levé les yeux, il aurait vu un sourire vainqueur illuminer ceux de la jeune fille.

— Lève-toi donc, vieillard ! Dit-elle enfin comme si elle revenait à elle. Dis à notre hôte une parole affable. Un hôte est un frère. Lève-toi, homme altier, orgueilleux vieillard. Salue ton hôte, et prends-le par sa main blanche[1].

Pour la première fois Ordinov pensa à Mourine. Les yeux du vieillard semblaient s’éteindre dans une angoisse suprême. Il regardait fixement Ordinov, avec ce même regard chagrin et fou qu’Ordinov n’avait pas oublié. Mourine était couché, mais à demi vêtu, et, sans doute, il était déjà sorti dans la matinée. Son cou était couvert d’un foulard rouge. Il portait des pantoufles. Évidemment la maladie commençait à le quitter, mais il était encore terriblement pâle et jaune. Catherine, auprès de lui, s’appuyait d’une main à la table, et les observait attentivement. Mais le sourire ne

  1. Expression russe.