paroles, simples, sentimentales, merveilleusement appropriées à la mélodie. Mais Ordinov les oubliait. La musique seule le touchait. Au simple et naïf récitatif, il substituait d’autres paroles qui répondaient mieux aux détours cachés, – cachés à lui-même ! – de sa propre passion, des paroles toutes pleines d’elle ! Et c’était tantôt le dernier gémissement de la passion sans espérance, tantôt, au contraire, le cri de joie du cœur qui a enfin brisé ses chaînes et se livre, libre et serein, à un noble amour. Et tantôt, c’étaient les premiers serments de l’amante, la pudeur parfumée des premières rougeurs, et l’éclair des larmes, et les chuchotements mystérieux et timides ; tantôt le désir stérile d’une vestale, orgueilleuse et joyeuse de sa force, sans voiles, sans mystères, et qui, avec un rire lumineux, ouvre largement ses yeux enivrés…
Ordinov n’attendit pas la fin de la chanson, il se leva, et la chanson s’interrompit aussitôt.
— Ce n’est plus ni bon matin, ni bonjour qu’on peut te dire, mon désiré. Bonsoir ! Lève-toi, viens chez nous, viens pour que je me réjouisse. Nous t’attendons, le patron et moi, tous deux prêts à